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Bordeaux : un projet de toiture solaire urbaine en péril, quels seront les héros de sa résurrection ?

À Bordeaux, le rêve d’une toiture solaire monumentale au cœur de la ville semble vaciller, pris dans la tourmente d’un secteur énergétique agité. Plus de 6 600 panneaux photovoltaïques étaient promis sur la base sous-marine, emblème historique de la cité girondine, pour en faire un géant urbain de la production verte. Mais à la suite de la liquidation d’EverWatt, maître d’œuvre du projet, l’avenir de cette réalisation-clé pour la transition écologique locale est suspendu à la recherche d’un nouveau « héros » capable de sauvegarder l’ambition municipale. Entre tensions financières, impératifs environnementaux et course aux alternatives, Bordeaux illustre les défis auxquels font face de nombreuses villes françaises pour accélérer la production d’énergie solaire, tout en assurant la fiabilité et la continuité des investissements. Alors que la métropole bruissait d’espoirs autour de ses programmes d’envergure, la question demeure : qui saura relancer la machine et redonner vie à la plus grande toiture solaire urbaine de France ?

Les dessous de la chute d’EverWatt : comprendre la crise du solaire à Bordeaux

À première vue, l’effondrement d’EverWatt pourrait s’apparenter au simple revers d’un pion sur l’échiquier des énergies renouvelables. La réalité révèle une complexité beaucoup plus profonde, témoignage d’une crise systémique qui interroge la filière solaire française. À Bordeaux, la défaillance d’EverWatt n’est pas un accident isolé : elle est le point d’orgue d’un engrenage financier et commercial où chaque acteur, de la société de projet BoucL Énergie aux actionnaires comme le fonds Conquest, a été entraîné dans une spirale d’incertitude aux conséquences lourdes pour la métropole girondine.

Il faut remonter à la genèse du projet pour prendre la mesure du choc. Dès 2024, la mairie affichait une volonté forte de « solariser » la base sous-marine, un site militaire du XXe siècle reconverti en espace culturel et patrimonial. L’objectif affiché : installer plus de 22 000 m² de panneaux photovoltaïques, soit près de 6 600 modules, générant une puissance capable d’alimenter en électricité des centaines de foyers et commerces.

L’engouement était tel que la mairie n’a pas hésité à confier le projet à BoucL Énergie, filiale du groupe EverWatt, à l’issue d’une compétition serrée entre acteurs comme EDF ENR, Neoen ou encore TotalEnergies. BoucL Énergie présentait alors des garanties techniques et financières solides, renforcées par le soutien de fonds d’investissement spécialisés dans la transition énergétique.

Or, le modèle économique du secteur solaire, très dépendant de gros investisseurs, reste fragile face aux retournements de conjoncture. Lorsque Transition Evergreen, actionnaire principal d’EverWatt, a pris du recul début 2025, la cascade s’est amorcée : retrait de Conquest, cessation de paiements, et enfin mise sous liquidation judiciaire en juillet. Ironie du sort, le premier panneau était posé sur la toiture la veille de l’annonce, lançant symboliquement un chantier aussitôt interrompu par la tempête financière.

Face à ces revers, la municipalité bordelaise s’est retrouvée au pied du mur. Pour le cabinet du maire Pierre Hurmic, il n’est pourtant pas question d’abandonner la mission : « L’ambition de solariser au maximum la ville reste intacte. » L’enjeu est de taille, car Bordeaux Métropole s’est donné pour objectif d’installer 60 000 m² de toitures photovoltaïques avant la fin de la décennie, et la base sous-marine en est le pilier visible.

Derrière la succession d’acteurs, c’est aussi le contexte national qui joue contre Bordeaux. Plusieurs initiatives de solarisation ont récemment souffert de la volatilité des prix du silicium, des incertitudes réglementaires, et de la concurrence exacerbée entre EDF ENR, Voltalia, Urbasolar, Akuo Energy ou encore ENGIE. À ce jeu, les collectivités avancent dans un paysage mouvant, où chaque défaillance peut tout remettre en cause.

L’histoire de la base sous-marine n’enchâsse pas seulement un défi local : elle cristallise la nécessité de repenser les modèles de gouvernance et de financement du solaire à l’échelle nationale, en impliquant à la fois les opérateurs, les pouvoirs publics et les citoyens. L’avenir du projet n’en résulte que plus incertain, tandis que la ville s’efforce de mobiliser de « nouveaux héros » pour raviver la flamme de sa transition énergétique.

Défaillance d’EverWatt, une onde de choc sur la filière solaire française

Lorsque la société phare d’un projet aussi symbolique que la base sous-marine flanche, tout un écosystème tremble. Les collectivités, souvent perçues comme locomotives de la transition écologique, découvrent la vulnérabilité de leur modèle dès lors qu’un investisseur stratégique se retire. Les retombées se font sentir à travers la région, mettant en pause d’autres initiatives — à l’exemple du projet de centrale solaire sur le périphérique de Bordeaux, où Soleil du Sud-Ouest et Voltalia étaient également sur les rangs.

Ce séisme révèle l’urgence, pour nombre de villes, d’élargir leur spectre d’acteurs et de mieux sécuriser leurs projets structurants. Mais qui relèvera le défi à Bordeaux ? La métropole, déjà engagée dans une vaste mutation énergétique, devra innover et faire preuve de résilience pour surmonter ce revers.

Vers un nouveau souffle : les prétendants au sauvetage de la toiture solaire

Après l’orage financier, Bordeaux cherche des artisans pour rebâtir son rêve solaire. À la suite de la liquidation d’EverWatt, plusieurs candidats se pressent au portillon pour reprendre l’ambitieux projet de couverture photovoltaïque de la base sous-marine. Car la crise, paradoxalement, a braqué les projecteurs sur le potentiel exceptionnel du lieu et sur la détermination municipale à aboutir, même au prix d’un calendrier bousculé.

Le rôle du liquidateur judiciaire est désormais capital. Sa mission consiste à sélectionner un porteur « fiable », selon les critères annoncés par la mairie : solidité financière, expérience technique, engagement sur la durée et capacité à mobiliser rapidement les équipes. Dans cette configuration, des groupes de renom sont évoqués pour endosser ce rôle de chevaliers blancs.

EDF ENR apparaît comme un favori naturel. La filiale solaire de l’énergéticien public dispose de l’assise nécessaire pour sécuriser un chantier de cette ampleur. Neoen, fleuron indépendant de la filière, fait également partie des acteurs capables de relever le défi, fort de son expérience sur de grands sites urbains. Sur le terrain de la concurrence, TotalEnergies déploie aussi d’importantes ambitions dans le solaire, tirant parti de ses moyens d’action paneuropéens et de sa solidité financière retrouvée depuis sa diversification accélérée dans les nouvelles énergies.

D’autres noms circulent, tels que ENGIE, qui s’est déjà illustré par la solarisation d’infrastructures de grande taille en France, ou encore Urbasolar et Akuo Energy, deux sociétés privées ayant bâti leur réputation sur des opérations de reconversion de sites industriels ou historiques. Voltalia, GES Group et même Solaire Direct, désormais positionnés sur des marchés internationaux, n’excluent pas de se positionner sur ce dossier bordelais hors-normes.

Il ne s’agit plus seulement de savoir qui pourra installer des panneaux : c’est un défi global qui se dessine, du portage à long terme à la maintenance, en passant par l’intégration architecturale et l’animation citoyenne autour du site. Les plus expérimentés savent que l’image du repreneur pèsera autant que sa capacité à tenir la barre dans la durée. Bordeaux, en quête de stabilité et de crédibilité, n’a donc que l’embarras du choix… à condition de clarifier les modalités financières et contractuelles dès le départ.

Les critères de sélection d’un nouveau porteur de projet

L’analyse technique menée par la direction municipale sera déterminante. Outre l’évaluation des offres au regard du coût global, la Ville examinera les propositions selon la rapidité de reprise, la capacité à anticiper les évolutions de la réglementation solaire, et l’inclusion de nouvelles technologies (stockage, autoconsommation partagée, monitoring). Un accent particulier sera mis sur l’expérience en milieux urbains denses et complexes, comme l’illustre la base sous-marine, dont la structure en béton massif impose des contraintes uniques de chargement et de sécurité.

L’épisode EverWatt aura peut-être initié une mutation salutaire dans la façon de concevoir les appels à projets solaires en milieu urbain. L’enjeu, désormais, consiste à sécuriser l’ancrage financier tout en garantissant le respect des ambitions écologiques de la ville. L’histoire retiendra celui qui, au-delà du redressement, saura hisser Bordeaux vers de nouveaux sommets solaires.

Bordeaux face au défi de la résilience énergétique : entre ambitions politiques et incertitudes économiques

Pour comprendre pourquoi la moindre défaillance ébranle un édifice aussi complexe, il faut pénétrer les coulisses de la politique énergétique bordelaise. Depuis l’élection de Pierre Hurmic à la mairie, la ville s’est engagée dans une course contre la montre en faveur du photovoltaïque. L’adoption d’un cadastre solaire innovant à l’automne 2024, outil numérique permettant à chaque citoyen d’évaluer le potentiel de sa toiture, a enflammé les esprits et dopé les projets d’autoconsommation collective.

Mais la dynamique est confrontée à de multiples tensions. Le ralentissement des investissements mondiaux dans le solaire, le relèvement des taux d’intérêt et la volatilité des prix de l’énergie pèsent sur le modèle de financement des installations urbaines. Même les opérateurs les plus robustes (EDF ENR, Voltalia, ou Soleil du Sud-Ouest) doivent composer avec des marges resserrées et l’obligation d’innover pour rester compétitifs.

À Bordeaux, la solarisation de la base sous-marine n’est qu’une pièce visible d’un puzzle énergétique bien plus vaste. Le plan métropolitain vise l’installation de 45 MWc de puissance solaire d’ici 2029, entre logements sociaux, bâtiments publics, et friches industrielles. Chaque avancée, mais aussi chaque revers, fait l’objet d’une attention particulière de la part des élus et des observateurs nationaux. La résilience ne se résume plus à une capacité technique : elle s’impose comme un principe de gouvernance et d’anticipation face à l’incertitude.

L’affaire EverWatt pousse également à interroger la place des collectivités dans la chaîne de valeur de la transition. Faut-il confier la réalisation à des consortiums privés, ou privilégier une gouvernance plus publique, où la ville et ses partenaires garderaient la main sur les orientations stratégiques ? Certaines communes, inspirées par l’exemple allemand des Stadtwerke (services municipaux d’énergie), s’équipent de sociétés hybrides pour consolider leurs projets sur le temps long, au-delà des aléas du marché.

Cette réflexion stratégique est loin d’être théorique : elle impacte directement la capacité de Bordeaux à tenir ses engagements climatiques, tout en respectant les contraintes budgétaires imposées par l’État. Dans ce contexte, la réussite ou l’échec de la toiture solaire de la base sous-marine cristallisera l’efficacité du modèle bordelais… et inspirera sans doute les autres métropoles françaises.

L’effet domino sur les autres initiatives locales

Le ralentissement de la solarisation de la base sous-marine rejaillit sur toute la filière locale. Plusieurs projets satellites, portés par Urbasolar, Akuo Energy ou GES Group, ont vu leur calendrier temporairement gelé, le temps de clarifier la gouvernance et la répartition des risques. Les investisseurs, échaudés par les turbulences de l’affaire EverWatt, exigent plus de transparence et de garanties avant de s’engager sur de nouveaux dossiers.

Dans le quartier Bacalan, non loin de la base, un projet d’autoconsommation pour les commerces, imaginé par Soleil du Sud-Ouest, a dû revoir son montage financier pour rassurer les partenaires. La question du « qui porte quoi et jusqu’où » devient centrale dans chaque discussion. Si la base sous-marine retrouve prochainement un pilote fiable, la confiance reviendra et la dynamique actuelle pourra être amplifiée à l’échelle de toute la métropole.

Le modèle de la base sous-marine : un laboratoire pour la transition énergétique urbaine

La base sous-marine de Bordeaux n’est pas seulement un chantier technique : elle s’impose comme un laboratoire grandeur nature pour l’ensemble des défis liés à la transition énergétique en ville. Sa transformation en centrale photovoltaïque urbaine pousse à repenser l’intégration de l’énergie solaire dans des infrastructures patrimoniales, souvent complexes à moderniser sans nuire à leur valeur historique ou culturelle.

Ce pari exige une ingénierie de pointe. Les 22 000 m² de toiture bétonnée, conçus pour résister aux bombes et abriter des sous-marins, posent des contraintes de portance, d’étanchéité et de résistance aux vibrations qui ne souffrent aucune approximation. Les sociétés comme EDF ENR ou Akuo Energy, qui ont déjà mené à bien des solarisations de sites industriels anciens, pourraient apporter leur expertise pour garantir la sécurité et la longévité des installations.

L’enjeu dépasse le simple raccordement au réseau. Les flux d’électricité produits devront être intelligemment pilotés, soit pour alimenter directement les activités économiques et culturelles de la base, soit pour injecter dans le réseau urbain selon les besoins. Le site devient ainsi un prototype de gestion intelligente de l’énergie, compatible avec les scénarios d’autoconsommation partagée qui montent en puissance dans les quartiers voisins.

Le caractère exemplaire du projet attire aussi l’attention de tout l’écosystème de la French Tech Energie, avide de partenariats pour expérimenter des innovations en matière de stockage, d’optimisation de la production et de sensibilisation citoyenne. Certains rêvent déjà d’y associer les futurs lauréats du concours Solar Decathlon ou de lancer des laboratoires pionniers financés par TotalEnergies, GES Group ou Neoen.

Des initiatives inspirantes pour une ville solaire de demain

L’engouement pour la base sous-marine inspire d’autres initiatives sur toute la métropole. En 2025, l’hôtel de ville a lancé un concours d’idées pour équiper les parcs relais, les écoles et même les toits d’immeubles haussmanniens de nouvelles installations solaires. Plusieurs PME, dont Soleil du Sud-Ouest, Solaire Direct et Voltalia, misent sur le développement de micro-réseaux urbains pour accélérer l’autonomie énergétique des quartiers.

Des synergies se profilent avec les régies publiques, qui voient dans la réussite de la base sous-marine un catalyseur d’innovations à dupliquer ailleurs. L’imaginaire collectif s’enrichit : Bordeaux pourrait bientôt être reconnue non seulement comme cité du vin mais aussi comme capitale solaire, à condition de surmonter les obstacles financiers et de tracer une trajectoire claire vers son objectif de neutralité carbone.

La mobilisation citoyenne et l’avenir énergétique de Bordeaux : entre espoir et vigilance

La crise de la base sous-marine réveille la vigilance de nombreux Bordelais, désormais conscients de la fragilité qui peut accompagner même les projets les plus vertueux. Au fil des réunions publiques et à travers les réseaux sociaux, habitants, associations environnementales et entrepreneurs locaux multiplient les appels à l’action pour sauver la toiture solaire des sables mouvants financiers.

On croise ainsi Sarah, ingénieure en énergies renouvelables bordelaise, qui milite pour la constitution d’une coopérative citoyenne prête à prendre part à la gouvernance du site. Elle s’inspire d’exemples venus de Montpellier et Strasbourg, où Akuo Energy et Solaire Direct collaborent avec des collectifs locaux pour sécuriser investissements et emplois sur la durée.

D’autres acteurs rôdent sur le terrain politique et médiatique. Les élus de Bordeaux mettent en avant le droit à l’énergie propre pour tous, tandis que les entreprises locales rappellent les retombées économiques d’un chantier qui nécessitera toute une chaîne de compétences — des installateurs jusqu’aux experts en maintenance prédictive. Au-delà du site de la base sous-marine, ce sont de nouveaux modèles de participation et de solidarité énergétique qui se dessinent, capables d’impliquer durablement la population dans la transition écologique.

Les réseaux sociaux jouent désormais un rôle d’amplificateur. À travers des hashtags comme #BordeauxSolaire ou des campagnes vidéo virales, la pression s’accentue sur la municipalité et les potentiels repreneurs pour réaffirmer la priorité donnée à l’énergie verte. La résurrection du projet ne se jouera pas uniquement dans les bureaux des grands groupes ou dans les arcanes du tribunal de commerce. Elle devra aussi convaincre la rue, et réussir à embarquer avec elle tous les Bordelais, des étudiants jusqu’aux commerçants du quartier Bacalan.

Engagement collectif pour une énergie vraiment partagée

La dynamique citoyenne, soutenue par une poignée d’acteurs locaux audacieux, pourrait bien offrir le sursaut décisif qu’attend le projet. Entre promoteurs privés, institutions publiques et associations, les alliances naissantes dessinent un nouveau paysage énergétique à Bordeaux. Les prochaines semaines seront décisives pour savoir si la toiture solaire de la base sous-marine renaîtra de ses cendres, portée par des « héros » que personne n’attendait… ou si elle restera le symbole d’une opportunité manquée pour la transition verte urbaine.

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