Elle traverse la place du village comme elle traverse le temps : d’un pas tranquille, la vénérable Simone Charpentier souffle aujourd’hui ses cent bougies à Fresselines, hameau bucolique niché au confluent de la Creuse et de la Petite Creuse. Dans cette commune célèbre pour avoir inspiré Monet et Guillaumin, la centenaire incarne l’alliance rare entre mémoire personnelle, patrimoine collectif et création contemporaine. Le conseil municipal, les écoliers, les artisans locaux, mais aussi de nombreux amoureux de la culture limousine s’apprêtent à honorer un siècle de vie façonné par la guerre, les révolutions agricoles, l’essor du tourisme vert et le retour en force de l’artisanat de précision. À travers l’histoire captivante de Simone, c’est toute la trajectoire d’une France rurale inventive qui se révèle, oscillant entre tradition et modernité, entre racines et avenir.
Un anniversaire centenaire au cœur de la Creuse : le souffle d’un siècle à Fresselines
Le 24 avril 1925, lorsque Simone Charpentier pousse son premier cri dans la vieille maison à pans de bois de ses parents, l’électricité vient tout juste de gagner les foyers de Fresselines. Le téléphone demeure un luxe, la charrette hippomobile sillonne les vallons, et la Première Guerre mondiale n’est encore qu’un souvenir douloureux suspendu dans chaque famille. Cent ans plus tard, le village branché en fibre optique retransmet en direct la cérémonie qui réunit élus, voisins, journalistes et anonymes curieux. Ce simple contraste technologique illustre l’amplitude du parcours de Simone : cent ans d’adaptation, de curiosité et d’élan communautaire.
La commune organise un cortège dont la mise en scène dévoile la singularité locale. Des enfants déguisés en peintres impressionnistes portent des toiles évoquant les ponts colorés de la vallée de la Creuse, tandis que les jeunes agriculteurs défilent en tracteurs électriques. L’image fait sourire Simone : elle se souvient de l’époque où les bœufs charolais constituaient l’unique force motrice, mais se réjouit de la transition écologique qu’opèrent les nouvelles générations. Elle confie à la presse régionale qu’elle n’a « rien vu de plus réjouissant qu’un tracteur silencieux qui respecte la haie et les oiseaux ».
Plus qu’une fête, la célébration devient un cours d’histoire à ciel ouvert. Sur la place George-Sand – récente dénomination rappelant l’attachement de l’écrivaine à la Creuse – une frise chronologique géante retrace les jalons majeurs de 1925 à 2025. Les visiteurs déambulent entre l’inauguration du viaduc de Busseau-sur-Creuse, l’arrivée du chemin de fer touristique, la Seconde Guerre mondiale puis la PAC des années 1960, jusqu’aux projets actuels d’agroforesterie. Chaque événement, inscrit sur des panneaux de bois sculptés par les menuisiers du bourg, dialogue avec le propre vécu de Simone : enfant cachée pendant l’Occupation, institutrice lors de la reconstruction, bénévole du foyer rural pendant les crises économiques.
La journée s’achève dans le jardin communal où un chœur polyphonique reprend des airs du folklore limousin. Au-delà du folklore, la musique raconte la capacité d’un territoire à rester vivant. Pour Simone, la partition ne s’est jamais limitée aux notes : elle se rappelle avoir animé la première chorale scolaire mixte en 1950, bravant les résistances d’une société où la mixité demeurait suspecte. Cet élan progressiste nourrit aujourd’hui la surprise des jeunes citadins qui découvrent une Creuse ouverte, innovante et solidaire. Dans un salon aménagé pour l’occasion, des lycéens du Greta de Guéret exposent leurs prototypes d’habitats légers en châtaignier issu des forêts voisines, clin d’œil au métier de charpentier exercé par l’aïeul de Simone, prénommé Jules, qui transmit son patronyme mais aussi le goût des assemblages bois.
Une mosaïque de témoignages
Durant la semaine précédant l’événement, les écoles primaires ont collecté les souvenirs des habitants. Des anecdotes pittoresques surgissent : l’apparition de la première télévision dans le café du Pont-Noir, les débuts de la radio libre creusoise, ou encore l’hiver 1956 où la glace recouvrit la rivière et permit aux enfants de traverser à pied. Ces récits, projetés sur grand écran au milieu de la place, fusionnent avec les photos en noir et blanc de Simone entourée de ses élèves, rappelant combien elle a joué le rôle de « passeuse » entre les générations.
Les reporters de France 2 déploient un plateau mobile pour un segment dédié au « voyage d’un siècle », clin d’œil médiatique au film biographique d’Olivier Dahan consacré à Simone Veil. Ici, la comparaison n’est pas fortuite : si la destinée de Simone Charpentier ne relève pas de la politique nationale, elle s’inscrit pourtant dans la même logique de transmission, de dignité et d’engagement local. Les habitants soulignent qu’à son niveau, la centenaire a défendu des valeurs similaires, créant une bibliothèque paroissiale ouverte à tous dès 1948, puis militant pour l’accès des femmes au conseil municipal dans les années 1970.
Au-delà des paillettes médiatiques, les élus rappellent que la fête a été pensée comme un projet participatif. Les menus servis par le chef du restaurant L’Étang des Songes proviennent de produits cultivés dans un rayon de quinze kilomètres. La soupe de légumes oubliés rend hommage aux potagers de Simone, tandis que la tarte aux myrtilles évoque les cueillettes familiales sur le plateau de Millevaches. Chaque bouchée devient donc un fragment d’histoire, un rappel subtil que la gastronomie demeure un livre ouvert sur les saisons et la mémoire collective.
En conclusion de la soirée, un feu d’artifice silencieux, utilisant de nouvelles technologies pyrotechniques respectueuses des animaux, illumine les falaises ocre de la vallée. Le public observe les nuances colorées sans détonation abrupte ; même la nature semble incluse dans la commémoration. Simone, assise dans un fauteuil orné d’un plaid tissé à Felletin, murmure : « C’est joli, on dirait des lanternes sans bruit ». Ce moment suspendu referme la première page de la célébration, tout en ouvrant la suivante : celle de la transmission active de son héritage.
Simone Charpentier, mémoire vivante des mutations rurales françaises
Il serait réducteur de présenter Simone seulement comme une centenaire ; elle constitue un observatoire ambulant des grandes métamorphoses rurales. Lorsque la crise de 1929 frappe, elle n’a que quatre ans, mais conserve l’image des files d’attente devant la boulangerie. Pendant l’Occupation, l’adolescente devient messagère entre les maquisards de la région et les familles réfugiées, utilisant les sentiers creusois pour passer lettres et colis. Ces allées forestières, aujourd’hui balisées pour le tourisme, portent encore les traces d’un courage discret. Son histoire confirme qu’une petite commune peut concentrer la grande Histoire.
Durant les Trente Glorieuses, Simone observe la mécanisation agricole puis rejoint l’Éducation nationale. Elle décide d’enseigner dans l’école d’une seule classe de Fresselines plutôt que d’accepter un poste en ville. Ce choix entraîne une carrière d’institutrice multicasquette : professeur de calcul le matin, responsable de la cantine à midi et chef de chœur à la récréation. Ses anciens élèves, aujourd’hui septuagénaires, se remémorent l’odeur de craie, la rigueur dans la dictée, mais aussi la curiosité qu’elle cultivait pour l’art. Chaque vendredi, elle projetait des diapositives d’œuvres d’art, reproduisant le tableau Saint Joseph charpentier de Georges de La Tour pour parler à la fois de menuiserie et de spiritualité.
La disparition du service public des postes dans les années 1990 marque une autre étape : Simone lance une pétition, plaidant que « la boîte aux lettres est le premier réseau social ». Elle obtient la mise en place d’une agence postale communale intégrée à l’épicerie. À 73 ans, elle devient la première gérante bénévole de ce comptoir, reflétant un esprit d’entraide que beaucoup assimilent aujourd’hui aux plateformes solidaires en ligne. Cette capacité à devancer les besoins collectifs alimente son image d’icône creusoise : ni star, ni politique, simplement pivot entre générations.
Dans les années 2000, alors que le numérique envahit le quotidien, Simone surprend ses voisins en participant à un MOOC sur l’histoire du chemin de fer en France. À 85 ans, elle obtient la validation d’un module consacré à l’essor des lignes secondaires. Cette formation la conduit à animer des visites guidées de l’ancienne gare de Fresselines, reconvertie en résidence d’artistes. Selon le critique du Monde.fr présent lors d’une de ces visites, « Madame Charpentier connecte avec légèreté le sifflement d’une locomotive à vapeur aux ébauches impressionnistes de Monet ». L’expérience illustre l’intersection entre culture, tourisme et transmission que la commune encourage depuis plusieurs années.
Une voix féminine dans la longue marche pour l’égalité
Si la longévité de Simone étonne, sa lucidité quant aux enjeux sociétaux impressionne. Elle suit avec intérêt le mouvement de parité politique initié au début du XXIᵉ siècle et demeure attentive aux évolutions du droit des femmes. En 2022, elle a encore signé une tribune soutenant la réouverture d’une maternité de proximité à Guéret, dénonçant la désertification médicale. À ceux qui s’interrogent sur ses modèles, elle cite volontiers Simone Veil : « Elle a défendu la dignité humaine par-dessus tout ». La référence n’est pas fortuite ; elle rappelle que les combats se prolongent parfois dans l’ombre des projecteurs, à l’échelle d’une simple commune qui refuse l’abandon.
Son entourage évoque également sa capacité d’adaptation. Alors que la pandémie mondiale de 2020 bouleverse les habitudes, Simone se forme aux appels vidéo pour maintenir le lien avec ses arrière-petits-enfants. Ce tournant numérique semble anecdotique mais révèle un principe fondateur : l’accessibilité. Selon elle, la technologie doit « servir l’humain sans le remplacer ». Un propos repris par les élus lorsqu’ils proposent en 2023 un espace de coworking dans l’ancienne grange municipale, préfigurant l’arrivée des néo-ruraux attirés par la qualité de vie et la connexion internet.
La trajectoire de Simone devient pour Fresselines un récit puissant : celui d’une femme ordinaire aux actions extraordinaires. Elle prouve que le progrès n’est pas forcément synonyme de rupture ; il peut s’épanouir dans la continuité d’un tissu social solidaire. Ainsi se dessine le rôle de la mémoire vivante : éclairer le futur sans nostalgie excessive, encourager l’innovation sans renier les racines. C’est ce message qui sera relayé dans la master-class organisée par l’université populaire de la Creuse, où Simone interviendra virtuellement pour parler d’« engagement local et résilience » dans le cadre du printemps culturel 2025.
L’artisanat comme fil rouge : un savoir-faire transmis et réinventé
Le patronyme de Simone renvoie à un métier plus ancien encore : le charpentier. Dans les registres paroissiaux du IXᵉ siècle, les « fabri lignarii » désignaient ces travailleurs du bois chargés de bâtir les combles des édifices. À Fresselines, cette tradition se perpétue à travers l’atelier Bois & Rivières, où le maître-artisan Pierre Laforest s’inspire des techniques médiévales pour restaurer les fermes creusoises. La célébration des cent ans offre à l’atelier l’occasion d’exposer un prototype de charpente modulable, mêlant mortaises traditionnelles et inserts métalliques imprimés en 3D. La rencontre des âges se lit dans la densité du matériau, dans le cliquetis des outils, mais aussi dans l’émerveillement de Simone qui compare le prototype à « une cathédrale miniature ».
Cette convergence entre tradition et technologie est au cœur d’une marque française lancée l’an dernier : Héritage Bois. Son fondateur, Hugo Dauvergne, raconte avoir découvert la passion du bois en côtoyant Simone, sa grand-tante par alliance. Il décide alors de créer des pièces de mobilier inspirées des charpentes limousines : lits à baldaquin, bibliothèques à tenons, luminaires sculptés. Chaque objet porte un numéro de série et un QR code permettant de suivre l’origine du châtaignier et l’empreinte carbone. La démarche séduit un public urbain en quête d’authenticité et illustre la vitalité de l’artisanat creusois. Les ventes réalisées à Paris lors du salon Maison & Objet 2024 confirment la tendance : la campagne française s’impose comme un vivier de création responsable.
Fresselines héberge également une résidence d’artistes baptisée Les Charpentes Imaginaires. Peintres, céramistes, souffleurs de verre y explorent l’idée d’« œuvres d’art habitables ». Les poutres du XIXᵉ siècle deviennent supports de fresques abstraites, tandis que des mezzanines suspendues accueillent des sculptures lumineuses. Cette hybridation confère au village une aura très contemporaines. Des journalistes de design partagés sur Instagram louent l’esthétique minimaliste des installations, créant un flux touristique inattendu. Selon l’office de tourisme, la fréquentation a bondi de 27 % depuis l’ouverture de la résidence, bénéfice direct d’un savoir-faire réinventé.
Au-delà des chiffres, l’enjeu humain reste essentiel. Hugo Dauvergne souligne que pour chaque meuble vendu, un stage est financé pour un apprenti local. Ainsi, le cercle vertueux associe production, transmission et avenir professionnel. Simone, qui a suivi la formation du premier apprenti, raconte ses débuts maladroits à la dégauchisseuse, puis l’éclair dans le regard lorsqu’il a compris la beauté d’une arête parfaitement rabotée. Ce moment, dit-elle, « vaut toutes les médailles ». Le décloisonnement entre l’atelier et l’école constitue d’ailleurs un axe fort du nouveau Contrat Territorial Culture-Jeunesse signé avec la Région Nouvelle-Aquitaine : les collégiens pourront passer une semaine immersive dans un atelier de la communauté de communes, et non plus seulement à la bibliothèque.
La dimension écologique n’est pas oubliée. Les scieries partenaires travaillent selon un cahier des charges strict : reboisement systématique, circuits courts, gestion différenciée des résidus. Chaque copeau de châtaignier sert soit à l’isolant biosourcé, soit au paillage des vergers municipaux. Simone apprécie cette économie circulaire : elle rappelle que son père récupérait déjà les sciures pour chauffer le four à pain. Ce parallèle confirme qu’une tradition peut cheminer vers l’avenir sans se renier.
Quand le bois dialogue avec le numérique
Parallèlement, le fablab de Guéret a installé un satellite dans la salle des fêtes de Fresselines pour initier les artisans au scan 3D. L’objectif : modéliser les pièces anciennes afin de faciliter la restauration. Simone assiste à la démonstration d’un poinçon de ferme datant de 1760 ; le modèle numérique tourne sur l’écran tactile tandis que les étudiants ajustent les cotes en réalité augmentée. Elle sourit en évoquant l’époque où les plans se dessinaient à la sanguine ; le progrès lui apparaît comme un prolongement naturel, non une menace.
Cette appropriation du numérique redéfinit la notion même d’héritage. Les données scannées sont stockées sur une blockchain publique garantissant l’accès libre aux plans patrimoniaux. Ainsi, quiconque souhaite restaurer une grange peut consulter ces ressources. La mairie présente ce dispositif comme un « open source rural ». Une terminologie que Simone approuve : « Le savoir-faire n’a de valeur que s’il circule ».
À la tombée de la nuit, un mapping vidéo illumine l’église romane ; les charpentes virtuelles se superposent à la nef, laissant apparaître des formes géométriques rappelant l’art de la Renaissance italienne. La foule applaudit, consciente d’assister à une symbiose unique entre passé et futur. Une passante confie : « C’est la première fois que je vois l’artisanat présenté comme un spectacle ». Cette réaction synthétise l’ambition du projet : faire vibrer la tradition, non la figer.
Tradition et modernité : comment Fresselines transforme l’héritage culturel en moteur d’avenir
Dans l’imaginaire collectif, la Creuse évoque souvent la carte postale d’une France immuable. Or, Fresselines prouve que l’immuable se conjugue au futur. En 2023, le village a rejoint le réseau européen des Cittaslow, communes engagées pour une qualité de vie durable. Ce label impose des critères stricts : mobilités douces, circuits alimentaires courts, politique culturelle ambitieuse. Pour Simone, cette adhésion résume une approche intuitive : « Aller doucement pour aller longtemps ».
Depuis, plusieurs initiatives expérimentales se succèdent. La micro-centrale hydroélectrique installée sous le Vieux Pont alimente l’éclairage public. Les touristes circulent en navettes électriques partagées. La maison de retraite où réside désormais Simone a été rénovée en bâtiment passif, avec toiture végétalisée et récupération d’eaux pluviales. Ce modèle énergétique attire l’attention d’ingénieurs venus tester des dispositifs d’autoconsommation rurale. Selon une étude de l’ADEME, la Creuse pourrait devenir département pilote pour l’autonomie énergétique à l’horizon 2030 ; Fresselines s’impose alors en laboratoire à taille humaine.
La culture, elle, reste le moteur principal. Les saisons artistiques programmées par l’Association Rivière d’Art naviguent entre expositions impressionnistes, concerts de musiques électroniques et conférences sur la biodiversité. Un calendrier dense qui transforme le moindre lavoir en scène éphémère. Les retombées économiques suivent : le nombre de chambres d’hôtes a doublé en trois ans, générant des emplois non délocalisables. Les propriétaires rénovent leurs bâtisses en s’appuyant sur les techniques des charpentiers locaux, réinjectant ainsi des capitaux dans l’artisanat.
Cette boucle vertueuse nourrit un sentiment de fierté partagée. La municipalité s’appuie sur l’exemple de Simone pour défendre une vision équilibrée du développement. À grand renfort de témoignages, elle montre qu’un territoire peut créer de la valeur sans sacrifier son âme. Le plan local d’urbanisme interdit toute enseigne lumineuse clignotante et limite la hauteur des nouvelles constructions. L’objectif reste de préserver la perspective sur les méandres de la Creuse, peintes jadis par les maîtres impressionnistes. À ceux qui redoutent la gentrification, Simone répond par l’ouverture : la beauté des lieux doit se conjuguer avec l’accueil et la mixité, non la propriété exclusive.
La dimension pédagogique n’est pas en reste. Le collège de Dun-le-Palestel a signé un partenariat Erasmus+ avec une école de Florence afin de comparer les techniques de charpente toscanes et limousines. Simone intervient en visioconférence pour présenter la construction du toit de la maison familiale en 1947, un exemple concret de survie matérielle d’après-guerre. Les élèves découvrent que la « modernité » de l’époque consistait déjà à recycler les poutres d’une grange bombardée. Cet échange intergénérationnel ravive la notion de circularité : rien ne se perd, tout se revalorise.
L’économie du partage comme horizon
Une coopérative d’habitants, baptisée Les Héritiers de la Creuse, s’est constituée pour gérer des outils mutualisés : scies portatives, véhicules utilitaires, presses à cidre. Le principe repose sur la confiance : chaque utilisateur réserve via une application, récupère l’objet dans un box sécurisé et le rapporte propre. Cette forme d’économie collaborative s’inspire à nouveau de la philosophie de Simone, qui évoque volontiers le temps où l’on empruntait la faux du voisin sans application mais avec la même exigence de soin.
La coopérative génère par ailleurs une base de données de tutoriels vidéo en accès libre, produite avec le soutien du Département. On y apprend à réparer un toit en lauzes ou à truffer une brouette de pommes de terre sous le paillage. L’université de Limoges valide même une unité d’enseignement optionnelle, « Capital rural et innovation sociale », donnant des crédits ECTS pour la participation aux chantiers bénévoles. Là encore, la culture rencontre l’éducation, la tradition dialogue avec le futur, et Simone intervient comme marraine éponyme du programme.
Quel est donc le secret de cette dynamique ? Les élus soulignent la puissance du récit. En incarnant les valeurs de Fresselines, Simone offre un visage humain à des politiques publiques qui pourraient paraître abstraites. Chaque décision – qu’il s’agisse d’un budget participatif ou d’un festival – gagne en légitimité lorsqu’elle s’inscrit dans la continuité d’un siècle de résilience. Ainsi, la voix tremblante de la centenaire devient l’argument le plus audible en faveur d’une transition respectueuse des humains et des paysages.
Une célébration qui rayonne : marque française, œuvres d’art et attractivité touristique
La fête des cent ans ne s’arrête pas aux frontières de la commune. Grâce aux réseaux sociaux, les images de Simone traversent l’Hexagone : on la voit sourire devant un gâteau géant décoré de fleurs sauvages, entourée d’artisans et de touristes émerveillés. Le hashtag #Simone100ans figure en tête des tendances nationales durant 48 heures. Le ministère de la Culture partage même un tweet soulignant « l’exemplarité d’une célébration locale qui magnifie l’héritage et la création contemporaine ».
Cette visibilité rejaillit sur les filières économiques. Les chambres d’hôtes affichent complet jusqu’à l’automne, tandis que les ateliers d’arts plastiques reçoivent des demandes de résidences internationales. Héritage Bois, la marque française évoquée plus haut, constate une hausse de 35 % des visites sur son site. Les clients citent explicitement la vidéo d’un influenceur éthique qui, installé à Limoges, a relayé la transformation d’une ancienne poutre en lampe design. La boucle médiatique illustre le pouvoir d’un storytelling authentique : Simone endosse le rôle d’égérie malgré elle, attirant un public en quête de sens et de tangibilité.
La commune saisit l’occasion pour lancer un parcours patrimonial augmenté. Munis d’une tablette, les visiteurs parcourent six stations : la maison natale de Simone, l’atelier de charpente, l’église romane, la résidence d’artistes, le belvédère impressionniste, puis le lavoir transformé en galerie sonore. À chaque étape, une œuvre d’art numérique s’affiche en réalité mixte, épaulée par une narration audio enregistrée par Simone quelques mois plus tôt. Le dispositif, financé via un programme européen pour la revitalisation des centres-bourgs, séduit par son mélange de poésie et de haute technologie.
Au-delà du tourisme, la célébration nourrit un sentiment d’appartenance nationale. Dans un contexte où la France cherche à valoriser ses territoires, Fresselines devient le modèle d’une réussite basée sur l’émulation culturelle. La ministre déléguée à l’Artisanat, présente pour remettre à Simone la médaille de l’Engagement Rural, déclare : « Votre centenaire démontre que notre savoir-faire local constitue le socle de la marque France ». Cette phrase résonne comme la conclusion d’un concert où chaque instrument – passé, présent, futur – joue sa note sans écraser l’autre.
Un dernier éclat pour continuer l’histoire
Quand les festivités s’achèvent, Simone regagne sa chambre imprégnée du parfum de lilas cueilli par les enfants. Elle confie à sa petite-fille : « Ce que je veux, c’est que l’on poursuive la route sans s’arrêter à la borne des cent ans ». Cette phrase sonne comme un passage de relais. Les responsables culturels prévoient déjà la suite : une biennale de l’art rural, une chaire universitaire sur la transmission intergénérationnelle, un jumelage avec une commune polonaise qui développe un projet similaire autour de l’héritage du bois.
Les citoyens de Fresselines, eux, continuent de vivre au rythme des saisons et des rivières. Mais un souffle nouveau s’est installé : celui d’un siècle célébré non comme un aboutissement, mais comme un point d’appui vers d’autres aventures. Alors que la nuit enveloppe le village, on entend le cliquetis discret d’un marteau de charpentier, signe que l’ouvrage se poursuit. À la lumière de cette célébration, nul doute que l’histoire de Simone Charpentier continuera d’éclairer l’avenir de la Creuse et au-delà.